Abraham de Vermeil 

 
   

Je chante et pleure, et veux faire et défaire,
J’ose et je crains, et je fuis et je suis,
J’heurte et je cède, et j’ombrage et je luis,
J’arrête et cours, je suis pour et contraire,
 
Je veille et dors, et suis grand et vulgaire,
Je brûle et gèle, et je puis et ne puis,
J’aime et je hais, je conforte et je nuis,
Je vis et meurs, j’espère et désespère ;
 
Puis de ce tout étreint sous le pressoir,
J’en tire un vin ores blanc, ores noir,
Et de ce vin j’enivre ma pauvre âme,
 
Qui chancelant d’un et d’autre côté,
Va et revient comme esquif tempêté,
Veuf de nocher, de timon et de rame.

 

   

   Je chante et pleure, et veux faire et défaire,
J’ose et je crains, et je fuis et je suis,
J’hurte et je cede, et j’ombrage et je luis,
J’arreste et cours, je suis pour et contraire,
 
   Je veille et dors, et suis grand et vulgaire,
Je brusle et gele, et je puis et ne puis,
J’aime et je hai, je conforte et je nuis,
Je vis et meurs, j’espere et désespere :
 
   Puis de ce tout estreint sous le pressoir,
J’en tire un vin ores blanc, ores noir,
Et de ce vin j’enivre ma pauvre ame,
 
   Qui chancelant d’un et d’autre costé,
Va et revient comme esquif tempesté,
Veuf de nocher, de timon et de rame.