Joachim Du Bellay 

 
   

Non autrement que la Prêtresse folle,
En grommelant d’une effroyable horreur,
Secoue en vain l’indomptable fureur
Du Cynthien, qui brusquement l’affole :
 
Mon estomac gros de ce Dieu qui vole,
Épouvanté d’une aveugle terreur
Se fait rebelle à la divine erreur,
Qui brouille ainsi mon sens, et ma parole.
 
Mais c’est en vain : car le Dieu, qui m’étreint,
De plus en plus m’aiguillonne et contraint
De le chanter, quoique mon cœur en gronde.
 
Chantez-le donc, chantez mieux que devant,
Ô vous mes vers ! qui volez par le monde,
Comme feuillards éparpillés du vent.

 

   

Non autrement que la Prestresse folle,
En grommelant d’une effroyable horreur,
Secoüe en vain l’indomtable fureur
Du Cynthien, qui brusquement l’afolle :
 
Mon estomac gros de ce Dieu qui vole,
Espoüanté d’une aveugle terreur
Se faict rebelle à la divine erreur,
Qui brouille ainsi mon sens et ma parole.
 
Mais c’est en vain : car le Dieu, qui m’estrainct,
De plus en plus m’eguillonne et contrainct
De le chanter, quoy que mon cœur en gronde.
 
Chantez le donq, chantez mieux que devant,
O vous mes vers ! qui volez par le monde,
Comme fueillars esparpillez du vent.