Jean Ogier de Gombaud 

 
   

Cette source de mort, cette homicide peste,
Ce Péché, dont l’Enfer a le monde infecté,
M’a laissé pour tout être, un bruit d’avoir été,
Et je suis de moi-même une image funeste.
 
L’Auteur de l’Univers, le Monarque céleste
S’était rendu visible en ma seule beauté ;
Ce vieux titre d’honneur qu’autrefois j’ai porté,
Et que je porte encore, est tout ce qui me reste.
 
Mais c’est fait de ma gloire, et je ne suis plus rien,
Qu’un fantôme qui court après l’ombre d’un bien,
Ou qu’un corps animé du seul ver qui le ronge.
 
Non, je ne suis plus rien, quand je veux m’éprouver,
Qu’un esprit ténébreux, qui voit tout comme en songe,
Et cherche incessamment ce qu’il ne peut trouver.

 

   

Cette source de mort, cette homicide peste,
   Ce Peché, dont l’Enfer a le monde infecté,
   M’a laissé, pour tout estre, vn bruit d’auoir esté,
   Et ie suis de moy-mesme vne image funeste.
 
L’Autheur de l’Vniuers, le Monarque céleste
   S’estoit rendu visible en ma seule beauté :
   Ce vieux tiltre d’honneur qu’autresfois i’ay porté,
   Et que ie porte encore, est tout ce qui me reste.
 
Mais c’est fait de ma gloire, & ie ne suis plus rien,
   Qu’vn fantosme qui court apres l’ombre d’vn bien ;
   Ou qu’vn corps animé du seul ver qui le ronge.
 
Non, ie ne suis plus rien, quand ie veux m’esprouuer,
   Qu’vn esprit tenebreux, qui void tout comme en songe,
   Et cherche incessamment ce qu’il ne peut trouuer.