Mathieu de MontreuilStances

 
   

Nous aurons trop de temps pour amasser des fleurs,
Ménageons ce moment, adorable Sylvie,
Ta jalouse est absente, et ta sœur l’a suivie.
Avant qu’elle revienne, allège mes langueurs.
 
Laisse-là tous ces lys, ces œillets et ces roses,
            À quoi voudrais-tu t’amuser ?
            Crois-moi, ce sont deux douces choses :
            Tromper ta mère, et nous baiser.
 
            Ne me laisse pas davantage
À la merci des maux que me donne l’amour,
Je suis dans ce jardin devant le point du jour
            Afin de t’attendre au passage.
 
Je sais que si matin je ne t’y verrai pas ;
Mais ce lieu m’est plus doux que le lit où je couche,
Et je ne puis soûler ni mes yeux ni ma bouche
De voir et de baiser la trace de tes pas.
 
En t’attendant ici tout charme mes esprits,
Tout me paraît avoir je ne sais quelle grâce,
Ce petit tapis vert que nous avons fait gris,
Et cette herbe séchée aux lieux où je t’embrasse.
 
Ce fossé qui s’éboule à l’endroit où je passe,
Renouvelle en mon cœur un doux ressouvenir ;
Et ce gazon tombé me plaît mieux qu’en sa place,
Parce que c’est par là que tu dois revenir.
 
Mais que mal à propos mon amour t’entretient !
Sylvie, approche-toi, que je t’en fasse excuse.
Je te pressais tantôt, à présent je m’amuse,
Et je ne songe pas que ta mère revient.

 

   

Nous aurons trop de temps pour amasser des fleurs,
Ménageons ce moment, adorable Sylvie,
Ta jalouse est absente, & ta sœur l’a suivie.
Avant qu’elle revienne, allege mes langueurs.
 
Laisse-là tous ces lys, ces œillets & ces roses,
A quoy voudrais-tu t’amuser ?
Croy-moy, ce sont deux douces choses :
Tromper ta mere, & nous baiser.
 
Ne me laisse pas davantage
A la mercy des maux que me donne l’amour,
Je suis dans ce jardin devant le point du jour
Afin de t’attendre au passage.
 
Je sçay que si matin je ne t’y verrai pas ;
Mais ce lieu m’est plus doux que le lit où je couche,
Et je ne puis souler ny mes yeux ny ma bouche
De voir et de baiser la trace de tes pas.
 
En t’attendant icy tout charme mes esprits,
Tout me paroist avoir je ne sçay quelle grace,
Ce petit tapis vert que nous avons fait gris,
Et cette herbe sechée aux lieux ou je t’embrasse.
 
Ce fossé qui s’éboule à l’endroit où je passe,
Renouvelle en mon cœur un doux ressouvenir ;
Et ce gazon tombé me plaist mieux qu’en sa place,
Parce que c’est par là que tu dois revenir.
 
Mais que mal à propos mon amour t’entretient !
Sylvie, approche-toy, que je t’en fasse excuse.
Je te pressois tantost, à présent je m’amuse,
Et je ne songe pas que ta mere revient.