Bonjour, bonjour, brontosaure.
Ça fait longtemps qu’on s’est vu.
Moi, tu sais, j’existe encore
Et toi, tu n’existes plus.
Face à ton malheur, j’endure
Un peu de mélancolie ;
Tu faisais bonne figure
Dans la fougère en folie...
Il reste les souvenirs...
... Tes vieux marais pleins de crimes.
Tu beuglais sans avenir ;
Je trimais comme je trime.
Quand la foudre saccageait
Ta peau de ses rouges stries,
Tu dormais ; moi je forgeais
Mes terribles industries.
Ah, ces forêts spongieuses
Qui clignent de lents sommeils
Sont la paillasse où se gueuse
Ton gélatineux sommeil.
Tout engourdi, tu pissais,
Mal nourri de boue amère.
Ce qui fait bien manger, c’est
La guerre, mon chou, la guerre.
Je frappais, luttais, trimais,
Tuais, tordais, tout en nage.
Et trimant plus que jamais,
Je survis, grâce au carnage.
Prenant distance des pôles,
Ruse et vigueur à mon clan,
Ma tête sur ton épaule
Mais mon couteau dans ton flanc.
Dormir ! Tu dormais ta vie,
Ruminant infiniment
Ton ciel vert, tes eaux croupies
Et tes flasques aliments.
Tant de siècles de lésine
À pourrir dans tes urées,
À puer dans tes urines,
Ça ne pouvait plus durer.
Dormir ! tu dormais ta vie,
Ruminant infiniment
Ton ciel vert, tes eaux croupies
Et tes fangeux aliments.
Lourd monument, tu croyais
Que pour ta gueule d’abîme
Les raisins gonflaient aux cimes.
Or, des chacals aboyaient.
Tu rêvais, grand saugrenu ;
Eux rongeaient tes lards célèbres
Et puis d’autres sont venus
Qui te rongeaient les vertèbres.
T’es grand, t’es fort, mais t’es bête.
Exister, doux paysan,
C’est se donner une fête
De feu, de rage et de sang.
Va dormir, dormir encore.
Que tes boyaux historient
De fientes multicolores
Ta croupe et tes armoiries.
Adieu, gros tétard, salut !
Dors maintenant dans des livres.
T’étais trop feignant pour vivre
Et les temps sont révolus.