Max Jacob : La terre 
    Oh ! je voudrais m'étirer comme un arbre.
    Oh ! je voudrais m'ennuyer comme la Loire.
    Depuis tant de siècles l'invisible est le même : je le reconnais ! Il dit, le caillou incrusté dans le sentier : « Je sens le sabot de la fermière enceinte : c'est la même fermière depuis tant de siècles ! » Moi, je tends le cou, mon cou résigné aux sabots de la nature humide.
    Elles disent les herbes : « Est-ce le printemps ou l'automne ? » Ce n'est ni le printemps, ni l'automne, ni aucune saison, c'est la soupe de la nature.
    Comme cette Loire s'étire ! elle s'étire ainsi que le ciel ! Or, il y avait deux immobiles enfants : « Moi, je serai soldat et je tuerai tout le monde. — Moi je serai sur des photos de journal en belle dame. »
    Et l'arbre et l'église et la Loire n'entendirent dans l'ouate que ces paroles ce jour-là.

(Derniers poèmes en vers & en prose)



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